Une étude sur l’écosystème de la désinformation en République Démocratique du Congo (RDC) a été présentée ce vendredi à l’Hôtel Memling, en présence de scientifiques, de médias, de membres de la société civile et de quelques diplomates. Réalisée par Pierre Nsana et Patient Ligodi du Laboratoire de Recherche en Sciences de l’Information (Larsicom) avec la participation de Dr. Camille Maubert, chercheuse spécialiste en genre et violence, et le soutien d’Internews, l’étude couvre la période électorale de décembre 2023 à janvier 2024.
Contexte de l’étude
L’étude visait à analyser les dynamiques de la demande pour la désinformation et les discours de haine, notamment sur la plateforme WhatsApp, pendant la période électorale de 2023. Elle cherchait également à comprendre comment et pourquoi les membres des groupes WhatsApp consomment et partagent des informations fausses ou préjudiciables. Les chercheurs ont tenté d’identifier les acteurs politiques, y compris les influences étrangères, qui diffusent des discours de haine et de désinformation, ainsi que leurs stratégies et les thèmes qu’ils promeuvent.
Méthodologie de l’étude
L’étude a été réalisée dans trois régions de la RDC : Kinshasa, Haut-Katanga et Nord-Kivu. Ces régions ont été choisies en raison de leur importance politique et des conflits locaux. Les messages problématiques repérés dans les groupes WhatsApp ont été classés en trois catégories : désinformation, mésinformation et discours de haine. L’analyse a été effectuée à travers des méthodes de monitoring, mini-enquêtes et focus groups.
Résultats clés de l’étude
- Volume de messages : 520 messages incriminés ont été repérés dans les flux partagés au sein de 155 groupes WhatsApp durant les deux dernières semaines de la campagne électorale.
- Langue des messages : La majorité des messages de désinformation étaient en français, avec une utilisation moindre des langues nationales comme le swahili et le lingala.
- Nature des messages : Les messages incluaient des rumeurs, des théories du complot, des fausses nouvelles et des incitations à la violence ou à la discrimination.
- Facteurs de propagation : Les utilisateurs partagent souvent des informations pour informer, provoquer des réactions, ou vérifier l’exactitude des informations, mais le manque de vérification systématique amplifie la propagation de la désinformation.
- Rôle des élites politiques : L’élite politique parvient à imposer son agenda dans les discussions des groupes WhatsApp monitorés.
- Impact du niveau d’instruction : Le niveau d’instruction, la confiance accordée à la source supposée et les biais cognitifs des consommateurs sont autant de paramètres qui déterminent l’attitude à l’égard du contenu partagé.
L’étude a révélé la complexité de l’écosystème de la désinformation en RDC et souligne la nécessité de stratégies de lutte contre la désinformation adaptées aux réalités locales. Une des principales leçons est que la mésinformation amplifie la désinformation en raison de l’absence de conscience des « mésinformateurs » de l’intention première des désinformateurs.