L’annonce de Meta de mettre fin à son programme de fact-checking aux États-Unis représente un tournant majeur dans la gestion de la désinformation sur ses plateformes.
1. Ce que signifie cette annonce
Meta, maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, a décidé de remplacer son programme de vérification par des tiers par un système de « notes de la communauté », semblable à celui en place sur X (anciennement Twitter). Cela implique :
- Une décentralisation de la modération : Désormais, les utilisateurs eux-mêmes fourniront des annotations pour corriger ou contextualiser les publications jugées problématiques.
- Un désengagement institutionnel : Meta se retire de son rôle actif de lutte contre la désinformation, en se reposant sur des outils communautaires, moins encadrés et souvent sujets à des polarisations.
2. Motivations derrière cette décision
Mark Zuckerberg, PDG de Meta, a évoqué plusieurs raisons :
- Critiques sur un biais perçu des fact-checkers : Aux États-Unis, certains groupes conservateurs, dont les républicains, ont accusé les vérifications factuelles de pencher politiquement, ce qui aurait « réduit la confiance » selon Zuckerberg.
- Pressions politiques et économiques : L’entreprise semble chercher à apaiser les relations avec l’administration Trump, notamment après avoir été critiquée pour ses politiques de modération perçues comme restrictives.
- Alignement sur la « liberté d’expression » : Meta justifie ce changement comme une tentative de rétablir un espace de parole plus libre, même au risque d’une augmentation de la désinformation.
3. Conséquences potentielles
- Augmentation de la désinformation : Les systèmes communautaires, bien qu’intéressants, sont souvent lents à produire des corrections fiables, notamment sur des sujets polarisants. Cela pourrait faciliter la propagation de fausses informations.
- Impact sur les minorités et les discours sensibles : En assouplissant ses règles sur des sujets comme le genre ou l’immigration, Meta risque de permettre des discours nuisibles et discriminatoires.
- Écho international : Bien que cette décision concerne pour l’instant les États-Unis, d’autres pays, comme le Brésil ou l’Union européenne, observent cette évolution avec inquiétude, craignant une potentielle contagion.
4. Lien avec la RDC
En République démocratique du Congo, où la désinformation en ligne est un enjeu majeur pour la stabilité sociopolitique, cette annonce pourrait avoir des répercussions indirectes :
- Risque d’imitation : Si Meta étend cette politique à d’autres pays, les plateformes pourraient devenir des vecteurs de fausses informations, dans un pays où la vérification factuelle est encore émergente.
- Réduction des soutiens locaux : Les initiatives internationales, souvent soutenues par Meta via des partenariats avec des fact-checkers locaux, risquent de perdre en financement et en efficacité.
5. Quels enseignements pour la RDC et l’Afrique ?
- Investir dans des solutions locales : Il semble pertinent de développer des outils de fact-checking adaptés aux réalités socioculturelles locales, avec le soutien des gouvernements, des ONG et des médias.
- Renforcer la régulation : Des cadres juridiques solides, comme le Digital Service Act en Europe, sont nécessaires pour contraindre les plateformes à une responsabilité accrue.
- Sensibiliser le public : Promouvoir l’éducation aux médias et à l’information est essentiel pour limiter l’impact de la désinformation.
La fin du programme de fact-checking de Meta marque un recul dans la lutte contre la désinformation. Cette décision veut également souligner l’urgence pour les gouvernements, les médias et les citoyens de prendre en main cette problématique, afin de protéger les espaces d’information et de débat public.
Dans ce contexte, je recommande mes deux ouvrages : « Pollution de l’information : Fake news et journalisme dans le monde et en RDC » et « Cadre légal des médias en RDC : Acquis et défis en perspective ». Ces livres offrent une analyse des enjeux liés à la désinformation et soulignent le rôle des cadres juridiques dans la régulation des médias. Alors que Meta opte pour une modération communautaire, ces ouvrages mettent en évidence les dangers d’un écosystème médiatique non régulé tout en explorant des solutions adaptées aux réalités locales. Ils explorent les impacts dévastateurs de la désinformation sur la démocratie et plaident pour une législation solide, fournissant ainsi aux journalistes, chercheurs et citoyens des outils essentiels pour mieux comprendre et agir dans cet environnement numérique en constante évolution, en particulier en RDC.