La Journée internationale de la lutte contre la corruption est célébrée chaque année le 9 décembre, une date établie par l’Assemblée générale des Nations Unies pour sensibiliser à l’impact de la corruption et promouvoir des actions pour la combattre. Selon le rapport 2023 de Transparency International, la RDC se classe au 162ᵉ rang sur 180 pays, avec un score de 20 sur 100, la positionnant parmi les 15 nations les plus corrompues au monde. Cette situation résulte de multiples facteurs, notamment la faiblesse des institutions étatiques, l’absence de reddition des comptes et la prédominance des intérêts personnels sur le bien commun. Cette corruption affecte divers secteurs, y compris les industries extractives, où des pertes financières substantielles sont enregistrées.
Le 30 octobre 2024, le député national Jacques Djoli Eseng’Ekeli a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à garantir l’accès à l’information et la transparence de la vie publique en RDC. Ce texte, composé de 75 articles, vise à mettre en œuvre l’article 24 de la Constitution congolaise, qui consacre le droit à l’information et la liberté de la presse. Il est important de noter que cette initiative s’inscrit dans un contexte où la société civile et diverses organisations plaident depuis plusieurs années pour l’adoption d’une telle loi, essentielle pour promouvoir la transparence, la redevabilité et la lutte contre la corruption en RDC. Je vous propose en dix points les articles qui peuvent aider à renforcer la lutte contre la corruption.
- Droit à l’information comme outil de redevabilité (Article 4) :
- Cet article garantit à toute personne le droit d’accéder gratuitement à l’information auprès des institutions publiques et des entités privées réalisant des missions d’intérêt public. Ce droit favorise la transparence en donnant aux citoyens les moyens de surveiller les activités publiques, d’identifier les mauvaises pratiques et de demander des comptes.
- Publicité proactive des données (Article 62) :
- Les institutions publiques et certains acteurs privés doivent publier régulièrement des informations telles que budgets, rapports d’audit, contrats, concessions ou partenariats public-privé. Ces données permettent aux citoyens et aux institutions de contrôle de détecter plus facilement des anomalies ou des irrégularités, limitant ainsi les opportunités de corruption.
- Obligation de déclaration de patrimoine et d’intérêts (Articles 16-22) :
- Les responsables publics et certaines catégories de gestionnaires sont tenus de déclarer leurs patrimoines et intérêts à leur entrée en fonction, régulièrement pendant leur mandat, et à leur départ. Cette mesure permet de repérer les enrichissements illicites et de prévenir les abus liés à des intérêts personnels.
- Encadrement des conflits d’intérêts (Articles 19 et 20) :
- Ces articles définissent les conflits d’intérêts comme toute interférence entre les responsabilités publiques d’un individu et ses intérêts personnels. Ils imposent des obligations aux responsables publics pour éviter ou corriger ces situations, réduisant ainsi les risques de favoritisme et de prise de décisions biaisées.
- Sanctions pour rétention ou manipulation de l’information (Article 69) :
- Les détentions illégales d’informations ou la manipulation de données peuvent être sanctionnées par des peines de prison allant jusqu’à deux ans et des amendes. Ces sanctions renforcent la dissuasion et encouragent les responsables à respecter leurs obligations de transparence.
- Encadrement des refus d’information (Articles 37 et 44) :
- Les refus d’accès à l’information doivent être justifiés par des raisons objectives et légales. Une absence de réponse ou une justification insuffisante constitue une faute ouvrant la voie à des recours administratifs ou judiciaires. Cela réduit les abus de pouvoir pour dissimuler des actes de corruption.
- Protection des lanceurs d’alerte (Articles 28-32) :
- Ces articles offrent des garanties aux citoyens ou employés dénonçant des pratiques illicites, en les protégeant contre le licenciement, les sanctions disciplinaires et les harcèlements. Cette protection encourage les individus à signaler des actes de corruption sans craindre de représailles.
- Participation citoyenne à la gouvernance (Articles 1 et 15) :
- Ces articles encouragent la participation active des citoyens en leur donnant accès aux informations nécessaires pour comprendre et surveiller les décisions publiques. Cela renforce la transparence et permet une meilleure supervision des ressources publiques par la société civile.
- Contrôle renforcé par la Commission nationale (Articles 24-26) :
- La Commission Nationale d’Accès à l’Information et à la Transparence de la Vie Publique est chargée de surveiller l’application de la loi, de vérifier les déclarations de patrimoine et de traiter les recours en cas de refus d’information. Son autonomie administrative et financière garantit une surveillance indépendante des pratiques publiques.
- Renforcement de la transparence financière (Article 12) :
- L’article impose la divulgation des données financières et commerciales par les entreprises bénéficiant de financements publics ou impliquées dans des contrats publics. Cela permet de suivre l’utilisation des fonds publics et de détecter les fraudes ou détournements de manière plus efficace.
La proposition de loi devra suivre un processus précis et bien structuré. Tout commence par son dépôt par le député initiateur auprès du bureau de l’Assemblée nationale. Une fois déposée, elle doit être inscrite à l’ordre du jour pour être prise en considération. La proposition est débattue et soumise au vote en plénière à l’Assemblée nationale. Ensuite, elle peut aussi être soumise à un examen approfondi par une commission compétente, qui peut y apporter des amendements ou la valider dans sa version initiale. Si elle est adoptée, elle est transmise au Sénat pour un second examen. En cas de désaccord entre les deux chambres, une commission mixte paritaire sera convoquée pour harmoniser le texte. Une fois le texte définitivement adopté par les deux chambres, il est transmis au Président de la République. Celui-ci dispose de 15 jours pour promulguer la loi ou demander une seconde délibération.
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Pour une compréhension approfondie des réformes en cours et des enjeux légaux autour de la presse en RDC, le livre « Cadre légal des médias en RDC : Acquis et défis en perspective. Outil pédagogique pour le journaliste » de Patient Ligodi peut se révéler une ressource essentielle. Cet ouvrage analyse les dispositions de l’Ordonnance-loi n°23/009, explorant les avancées et les défis du cadre juridique actuel, et se veut un outil de référence pour les journalistes, chercheurs, et tous les acteurs impliqués dans la liberté de la presse en RDC.